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Gaza : Quel avenir pour la jeunesse ?

6 juin 2024

Gaza : Quel avenir pour la jeunesse ?

D’un système éducatif performant à un scolasticide

Malgré des décennies d’occupation et 17 ans de blocus de la bande de Gaza, la population palestinienne, tant à Gaza qu’en Cisjordanie, possède l’un des niveaux d’alphabétisation les plus élevés du monde arabe. Selon le Bureau central palestinien des statistiques, les niveaux d’alphabétisation étaient proches de 98 % en septembre 2023, similaires à ceux des pays riches du Golfe. Compte tenu du taux de chômage très élevé des jeunes, en particulier dans la bande de Gaza, les Palestinien·ne·s ont toujours investi massivement dans l'éducation de leurs enfants.

Avant la guerre, on dénombrait plus de 800 écoles et 17 établissements d'enseignement supérieur à Gaza, dont au moins 6 universités.  Aujourd’hui, au moins 73% d’entre eux ont été endommagés ou complètement détruits, dont 29% étaient des écoles des Nations Unies[1]. Les bâtiments restants abritent des milliers de personnes déplacées en quête de refuge. Dans les écoles encore debout, des réfugié·e·s désespéré·e·s utilisent les chaises et les bancs en bois pour allumer des feux pour cuisiner. Mais même les écoles de l’ONU abritant des civils déplacés de force sont bombardées, y compris dans les « zones de sécurité » désignées par l’armée israélienne.

Selon un rapport de l'UNESCO[2], l'infrastructure éducative de Gaza était déjà sous pression avant la guerre. Les écoles limitaient déjà l’accès des élèves aux classes à 4 heures par jour seulement afin de les répartir en deux groupes (matin et après-midi) pour pouvoir répondre à la demande. On comprend facilement que même dans l’espoir d’un cessez-le-feu, la tâche de reconstruction du système éducatif de Gaza, base de tout développement futur, est gigantesque.

Alors qu’Israël cherche à faire croire qu'il ne cible que les bâtiments qui abriterait des membres du Hamas, de nombreux observateurs dénoncent le démantèlement systémique du système éducatif gazaoui comme étant une politique israélienne délibérée qui conduira au « dé-développement » du territoire. L’ONU parle même de « scolasticide»[3]. Ce terme fait référence à l’anéantissement systémique de l’éducation par l’arrestation, la détention ou l’assassinat d’enseignants, d’étudiants et de membres du personnel éducatif, ainsi que par la destruction des infrastructures éducatives. Ses experts se sont dits également consternés par l’anéantissement du secteur culturel à Gaza, à travers la destruction des bibliothèques et des sites du patrimoine culturel : « Les fondements mêmes de la société palestinienne sont réduits à l’état de ruines et leur histoire est en train d’être effacée ».  Cette tragédie est passée relativement inaperçue au milieu de crises encore plus graves : plus de 14 000 enfants ont été tués[4], des milliers ont été blessés, la famine touche toute la population gazaouie et les bombardements continuent.

Des conséquences psychosociales dramatiques pour les jeunes

Pour les quelque 625.000 enfants de la bande de Gaza dont l’éducation a été interrompue, il n’y a aucun espoir réaliste que l’école reprenne bientôt. Pour les survivant·e·s, cette interruption dans leur formation scolaire jettera une ombre sur leur avenir, s’ajoutant aux nombreux traumatismes de la guerre. Pour les jeunes de Gaza (environ 65 % de la population a moins de 24 ans), le retour à l’école sera l’un des plus grands défis auxquels ils seront confrontés dès la fin de l’offensive israélienne.

Sans oublier les conséquences psychosociales pour la jeunesse. Chaque opération militaire israélienne aggrave les traumatismes infligés par les opérations précédentes. Au cours des trois dernières années, la bande de Gaza a été attaquée trois fois consécutivement, en 2021, 2022 et 2023. L'impact des cycles de violence sur les enfants se manifeste par la détérioration de leur santé mentale. Déjà en 2018, l'Unicef ​​​​estimait que plus d'un quart des enfants de Gaza avaient besoin d'un soutien psychosocial en raison de traumatismes passés[5]. En 2022, l’organisation Save the Children constatait que quatre enfants sur cinq (80 %) montraient des signes cliniques de dépression, de douleur et de peur[6]. Aujourd’hui, ce chiffre est passé à 100%.

La société civile palestinienne se mobilise

Sur place, en particulier à Gaza, la société civile ne reste pas passive, mais s’organise pour restaurer un peu de dignité à sa jeunesse. Solsoc, notamment, collabore avec deux organisations palestiniennes actives en Cisjordanie et à Gaza : MA’AN Development Center et le Popular Art Center (PAC).  En plus des activités d’aide humanitaire (fourniture de kit d’hygiène, de repas, aménagement de sanitaires, etc.), ces organisations travaillent avec une centaine d’animateurs et d’animatrices communautaires qui se mobilisent pour organiser des activités psychosociales à destination des enfants et des jeunes dans les camps de réfugiés à Gaza.  

Une mobilisation internationale des étudiant·e·s, de New York à Paris

Dans l’Université de Columbia, comme à Sciences Po Paris, de nombreux étudiant·e·s dénoncent le scolasticide en cours à Gaza, et en particulier la destruction de toutes les universités. Ils·elles exigent de leurs universités qu’elles rompent leurs liens avec leurs homologues israéliennes et avec tout financement israélien. Ce mouvement a pris de l’ampleur, on répertorie plus de 300 mouvements étudiants de soutien à la Palestine à travers le monde, y compris dans les universités belges. Ces mobilisations ont été violemment réprimées à New York comme à Paris. Pourtant, elles nous rappellent que nos états occidentaux ont regardé passivement pendant des dizaines d’années Israël bafouer allègrement le droit international en toute impunité, ce qui nous rend complices de ce qui se passe actuellement. Il est de notre responsabilité collective de tout faire pour arrêter le gouvernement israélien et d’ensuite soutenir la société palestinienne et gazaouie pour reconstruire une société démocratique et leur système éducatif. Mais il s’agira aussi de ne rien laisser impuni, de rendre justice à toutes les victimes, et de redonner au droit international le rôle de boussole et de gardien de toute dérive extrémiste partout dans le monde.


[1] Chiffres communique par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires dans le territoire palestinien :  https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-impact-day-208

[2] https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000261413_fre

[4] https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/

[5] Déclarations de Geert Cappelaere, Directeur régional de l'UNICEF pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord : https://www.unicef.org/press-releases/unicef-calls-protection-children-gaza-strip

[6] Save the children, Report 2022 “Trapped: The impact of 15 years of blockade on the mental health of Gaza’s children” : https://resourcecentre.savethechildren.net/pdf/gaza_blockade_mental_health_palestinian_children_2022.pdf/

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