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En Palestine, la jeunesse résiste

21 novembre 2024

En Palestine, la jeunesse résiste

Tags : Palestine

À l’occasion de sa venue à Bruxelles pendant le mois de novembre 2024, Solsoc a interviewé Rami Massad, coordinateur du Popular Art Centre (PAC), une ONG basée à Ramallah, en Cisjordanie, et lui a posé des questions sur les thèmes de la jeunesse palestinienne, sur leur futur et leurs espoirs dans un contexte d’oppression qui leur en laisse si peu.

Comment vivent les jeunes Palestiniens aujourd’hui ? Vont-ils à l’université, travaillent-ils, ou au contraire, le contexte dramatique les poussent-ils à vouloir émigrer ?

À l’heure actuelle, il existe de grandes différences entre un jeune vivant à Gaza et un jeune vivant en Cisjordanie.

À Gaza, il n’y a ni école ni université, et même quand le système scolaire pourra redémarrer et que tout sera reconstruit, il y aura des années d’école perdues, avec de graves conséquences sur le niveau d’éducation des jeunes. Mais même avant la guerre, les horizons de vie pour les jeunes gazaouis étaient très limités : ils n’étaient pas autorisés à voyager, y compris pour leurs études, il y avait très peu de possibilités d'emploi, la situation économique était grave, ce qui a entraîné beaucoup de frustration. Pendant des années à Gaza nous avons connu le phénomène des « bateaux de la mort », c’est-à-dire des petits bateaux, en mauvais état et surpeuplés de jeunes qui cherchaient à quitter Gaza, mais qui ont souvent trouvé la mort en mer.

Cependant, de nombreux jeunes ont résisté en se créant des opportunités, des modèles économiques alternatifs, ou en se spécialisant dans la haute technologie. Il y a à Gaza de nombreux jeunes diplômés hautement spécialisés, par exemple dans le domaine de l'agriculture. Certains ont même réussi à créer des machines pour dessaler l'eau de mer pour compenser les coupures d'eau d'Israël.

En Cisjordanie, la situation est un peu plus souple pour les jeunes, mais le taux de chômage est très haut. L'émigration est un phénomène répandu, mais il faut considérer que la Palestine a une population très jeune : les jeunes représentent 50 % de ses habitant·e·s. Ainsi, même si de nombreuses personnes partent, beaucoup d'autres restent, notamment parce que l'émigration n’est aujourd'hui plus synonyme d'amélioration des conditions de vie comme c’était le cas dans les années 80 et 90. Beaucoup cherchent donc d’autres solutions, comme par exemple se consacrer à des projets agricoles, via des coopératives, afin de vivre décemment.

D’ailleurs, la plupart des jeunes palestinien·ne·s fréquentent l’université, mais celles et ceux qui étudient ne trouvent souvent pas de travail parce que l’économie palestinienne est étouffée par l’occupation israélienne. Les métiers pour lesquels il y a toujours de la demande sont ceux d'ouvrier ou d'artisan. Pour cette raison, dans notre travail, nous insistons pour la redécouverte de la « formation professionnelle » : c'est-à-dire que nous essayons de former des charpentiers, des plombiers, des électriciens et d'autres métiers techniques. Il est important de passer d’une économie de la consommation à une économie de production. Malheureusement, le gouvernement investit très peu dans l’agriculture et l’industrie, c’est pourquoi nous faisons pression et plaidons envers les politiciens et politiciennes. Nous avons besoin de plus de jeunes dans des postes des décisions.

Évidemment, la guerre remet au centre la question de l’émigration, qui semble à nouveau être envisagée. Après le début de la guerre, la vie est devenue encore plus difficile pour les jeunes de la Cisjordanie. Il y a de grandes difficultés pour se déplacer sur le territoire, les incursions militaires israéliennes augmentent de plus en plus, il y a beaucoup de tension, de peur et de frustration.

Mais la grande majorité des jeunes hommes et femmes s’engagent quotidiennement dans la résistance de bien des manières : en se consacrant à la terre à travers l’agriculture et en préservant la terre, en adhérant à des associations ou en boycottant les produits israéliens.

Pourriez-vous expliquer les actions que vous développez auprès des jeunes tout au long du programme ?

Les activités du Popular Art Center ne consistent pas seulement à promouvoir la culture par le chant et la danse, mais à créer des activités culturelles qui font bouger tout un système économique. En outre, il est essentiel de donner aux citoyens et citoyennes l’opportunité d’avoir accès à l’art et de participer aux événements culturels organisés par les Palestinien·ne·s dans leur propre pays, cela donne de l'espoir. S’il y a de l’art dans le pays où vous vivez, c’est qu’il y a de la vie.

Pour nous, la capacité d'ouvrir les esprits est également importante, dans une société qui reste conservatrice, et aussi de pouvoir transmettre des messages qui viennent de l'extérieur à nos concitoyen·ne·s. L’idée est d’élargir l’esprit des conservateurs, sans les heurter dans le débat, mais à travers la médiation de l’art, en envoyant des messages qui pourront ensuite être réfléchis. Mais notre métier est aussi de montrer au monde que nous produisons de la culture, et donc que nous existons.

Le programme vise également à activer le rôle des jeunes, à développer leurs compétences et à leur offrir des opportunités de mettre en œuvre des initiatives communautaires qui servent leurs communautés locales, renforcent leur résilience et leur assurent une vie digne. De plus, nous les encourageons à adopter des initiatives et des alternatives économiques telles que des modèles d’économie sociale et solidaire dans divers domaines, et à unifier leurs efforts pour améliorer leurs conditions économiques et sociales via le collectif.

Les jeunes femmes sont-elles confrontées à des problèmes particuliers en raison de leur genre ? Comment PAC travaille avec les jeunes filles ?

Il y a beaucoup de femmes à l'université, le rapport entre les femmes et les hommes est de 3 pour 1.

Elles ont vraiment la possibilité de se former et les familles sont conscientes que si elles étudient elles auront de bien meilleures chances d'être indépendantes, c'est une valeur importante dans notre société.

Il y a aussi des femmes très fortes dans la société qui sont vraiment engagées dans la résistance à l’occupation, il existe différents mouvements de lutte pour les droits dirigés par des femmes qui font un excellent travail. Au niveau de la représentativité politique, il y a des quotas pour elles lors des élections locales qui ont lieu tous les 4 ans, et de nombreuses femmes y sont impliquées, ainsi que dans des organisations locales.

Malgré cela, il existe une différence de traitement entre hommes et femmes, mais il s’agit d’un problème culturel : la Palestine reste un pays conservateur où le rôle des femmes évolue lentement et il faut changer la mentalité dans les écoles et les familles.

Au Popular Art Centre, nous offrons aux filles un espace plus grand et de meilleures opportunités de participer aux activités et interactions que nous organisons. Nous travaillons également à développer et à diversifier les programmes de nos organisations partenaires de base afin de créer plus d’espace pour la participation des filles. Diverses formes d’art, en particulier le dabkeh (danse traditionnelle palestinienne), jouent un rôle majeur à cet égard. Nous nous efforçons également de sensibiliser aux valeurs de respect, d’égalité et de justice à travers nos programmes. De plus, nous offrons des possibilités de soutien aux jeunes pour pratiquer et mettre en œuvre des initiatives communautaires dans ce cadre.

 

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