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L'agriculture familiale, un modèle à défendre
27 février 2019
L'agriculture familiale, un modèle à défendre
En Colombie, notre partenaire ATI (Association de Travail Interdisciplinaire) soutient des projets d’économie sociale et solidaire qui favorisent l’agriculture familiale. Nous avons rencontré José Luis Coral, agriculteur et membre du CIMA (Comité d’Intégration du Massif Colombien), organisation visant à promouvoir les droits des paysan·ne·s de la région. Il nous a fait découvrir son travail, son projet d’agriculture familiale et les difficultés qu’il rencontre en tant que paysan.
Pouvez-vous nous expliquer votre projet d'agriculture familiale?
Auparavant nous travaillions pour le propriétaire d’un grand terrain de 40 hectares. Grâce à notre participation au CIMA, nous avons développé notre propre projet d’agriculture familiale. Il s’agit d’une mise en commun des terrains de 9 familles. L’objectif premier est de produire des aliments sains et 100% bio pour nos familles. Nous vendons ensuite les surplus aux marchés locaux de la région. Toute la famille est impliquée dans le projet. D’ailleurs, le rôle de la femme est particulièrement valorisé. En tant qu’organisation nous avons dit « Non à la violence contre les femmes, nous devons les aider le plus possible ». Personnellement, je suis caféiculteur. Dans mon terrain, j’ai 3.500 caféitiers, 300 plantations de manioc et 200 bananiers. J’ai fait le pari de la polyculture, car, à l’inverse de la monoculture, cela permet de ne pas utiliser de produits toxiques et de donner un goût très particulier au café.
Quelles difficultés rencontrez-vous?
Malheureusement, nous rencontrons beaucoup de difficultés. Tout d’abord, la présence de multinationales sur le territoire. Pourquoi un seul propriétaire aurait-il le droit de s’emparer d’un nombre aussi élevé de terres ? Les multinationales utilisent beaucoup de produits toxiques qui sont mauvais pour l’environnement et la santé et détruisent nos forêts. Enfin, elles réussissent, notamment grâce aux salaires alléchants, à attirer beaucoup d’agriculteurs qui laissent de côté leurs activités. À cause de la pollution, nous remarquons l’accélération du phénomène du changement climatique: aujourd’hui nous ne reconnaissons plus les saisons.
En plus de tout cela, nous devons faire face aux menaces venant de l’extérieur. Pendant la saison des récoltes, nous sommes victimes de vols. Nous avons donc organisé un système de garde, où une personne dort dans la ferme pour la surveiller. Cependant, les plus grandes menaces viennent des paramilitaires. J’ai dû moi-même, à cause de mes activités en tant que leader social, quitter ma région pendant quelques mois. Quand on est menacé, la première chose à laquelle on pense c’est la famille… Et tout ça pourquoi ? Parce que je défendais mes droits en tant qu’agriculteur… Le gouvernement ne nous soutient pas. Nous sommes ceux qui impulsent l’économie du pays, pourquoi nous discrimine-t-il ? C’est pour cela que nous, les agriculteurs, demandons au gouvernement de nous reconnaître comme sujets de droit à part entière.
Quel est l'avenir de l'agriculture en Colombie?
Le futur de l’agriculture est incertain. Aujourd’hui les jeunes ne s’intéressent plus à la terre et quittent la campagne pour la ville. Il est de notre devoir d’inverser cette dynamique, de les convaincre petit à petit de rester et de leur transmettre cette identité paysanne que nous ont transmis nos parents et nos grands-parents.
Cette interview a été réalisée dans le cadre d’une mission de tournage d’un documentaire sur les conditions de travail en Colombie, fruit de notre programme commun avec IFSI et FOS axé sur le travail décent. Le documentaire sortira en juin 2019.