Une équipe d'animatrices de Soralia, accompagnées de leur directrice et de deux employées de Solsoc, est partie à Casablanca au mois de mars pour découvrir le travail que les associations de quartier mènent avec le soutien de Solsoc. La mission était organisée par AFAQ – Action Femmes des Associations de Quartiers du Grand Casablanca – qui, à travers un réseau d'associations, lutte pour l'émancipation des femmes marocaines dans les quartiers populaires de la ville.
Bien que le Maroc ait fait d’importants progrès en termes de législation sur l'égalité des sexes ces dernières années, les femmes marocaines doivent encore faire face à une société conservatrice et fortement patriarcale dans leur vie quotidienne. Si, pour les couches sociales plus aisées le problème peut être perçu de manière plus nuancée, ce n'est pas le cas pour la majorité de la population plus pauvre qui vit dans les périphéries des villes et dans les zones rurales du pays. Dans les quartiers populaires plus défavorisés, les femmes cheffes de ménage y vivent très souvent dans une grande précarité.
L’importance du travail de proximité
Le travail de proximité mené par ces associations traite les problématiques rencontrées par les femmes des quartiers populaires dans leur ensemble : AFAQ encourage ses membres à renforcer leurs compétences techniques par la formation afin de pouvoir entreprendre une activité professionnelle. L’association organise aussi de nombreux ateliers de sensibilisation à leurs droits, leur faisant ainsi prendre conscience de leur force. AFAQ soutient aussi la mise sur pied d’activités économiques par et pour les femmes, qui s'inscrivent dans le cadre de l'économie sociale et solidaire. Ces initiatives bénéficient d’un appui financier et AFAQ les encadre dans toutes les démarches administratives et politiques pour développer leur projet. Dans ces coopératives, les femmes apprennent un métier, mais elles sont surtout solidaires entre elles.
Atelier de pâtisserie, coopérative « Nissae Labita »
À Mohammedia, AFAQ © Lucie Chopart pour Solsoc, 2023
L’économie sociale et solidaire sur le terrain
Lorsque ces activités d’économie sociale et solidaire sont lancées, les membres peuvent continuer de manière autonome et AFAQ peut se concentrer sur l’appui à d'autres initiatives. Nissae Labita fait partie de ces coopératives qui se sont aujourd’hui autonomisées et qui rencontrent un grand succès. Il s’agit d’une coopérative féminine de fabrication de biscuits et de plats traiteurs à Mohammédia. Nous y avons rencontré Saâdia, la combattante qui a fondé la coopérative :
“Avant mon mariage, j’avais eu l’occasion d’apprendre à faire des gâteaux traditionnels, mais quand je me suis mariée j’ai arrêté de travailler. À la mort de mon mari, j’étais dans une situation de précarité et j’ai commencé à souffrir de dépression. C’est à cette période que j’ai rencontré le président de l’association (une association de quartier, ndlr) et nous avons eu l’idée de rassembler des femmes vivant dans la même situation et de leur transmettre cette envie d’être indépendante financièrement, sans demander de l’aide.
Grâce au projet, ces femmes sont devenues connues à Mohammédia et inspirent le respect. Elles ne sont pas devenues riches, mais elles ont des revenus suffisants pour être autonomes et s’occuper de leur famille. Toutes les employées ont appris à connaître leurs droits, il y a des ateliers de coaching, de communication. Cela nous permet surtout d’être fières de nous.”
Atelier de menuiserie et de tapisserie.
Cooperative « Fane aljalsa lmagribia »,
AFAQ © Solsoc 2023
À Casablanca, nous avons rencontré un groupe de femmes qui font de la menuiserie, un métier pourtant traditionnellement réservé aux hommes. Leur projet en est encore à ses prémisses et aujourd’hui, elles identifient leurs besoins :
“Au début, c’était difficile de se former à la menuiserie, il n’y avait pas de formation pour nous et les hommes ne voulaient pas que les femmes touchent les machines. Dans ce projet, initié en 2019, nous avons eu accès à un apprentissage et à un accompagnement pour créer notre propre coopérative. Pour l’instant, nos revenus sont satisfaisants, mais instables parce que c’est un petit atelier et que les commandes sont aléatoires. Dans les prochains mois, avec le soutien d'AFAQ, nous allons avoir quelques nouveaux outils et des machines à coudre. Avec ce travail physique, nous sommes capables de faire sortir les émotions négatives. Certaines d’entre nous ont même pu arrêter de prendre leur traitement pour maladie chronique tellement elles se sentaient mieux. ”
La place des femmes dans la société
En plus d’avoir un impact concret sur la vie de nombreuses femmes, ces associations jouent un autre rôle important dans le quartier de manière en formulant des revendications auprès des pouvoirs locaux, notamment d’occupation de l’espace public.
En effet, le but de ces activités associatives est non seulement l'amélioration des conditions de vie des femmes, mais aussi de la position des femmes dans la société, en formant des femmes capables de se faire entendre dans le débat public.